Concept Art - 20/04/2022

Fabrice Nzinzi : mentor Artline et expert de la création numérique

Nous avons eu le privilège de discuter avec Fabrice Nzinzi, expert de la création numérique depuis plus de 17 ans et mentor du Cursus Concept Art et Illustration chez Artline. Il nous a parlé de son parcours, de sa passion pour le dessin, de ses inspirations et nous a donné ses meilleurs conseils pour se faire une place dans une industrie qui en fait rêver plus d’un. Une rencontre enrichissante que nous vous laissons le plaisir de découvrir.

Quelles études, quel parcours pour travailler dans l’illustration ?

Je suis actuellement directeur artistique au sein de Celsius Online, cela fait presque 17 ans que j'officie dans le secteur de l'image ! Je suis titulaire d'un Bac STI arts appliqués, d'un DMA dessin d'animation et d'un BTS communication visuelle. À l’issue de ces études, je me suis réorienté vers un contrat en alternance où j’ai obtenu mon BTS en communication visuelle. Mon objectif n'était pas d'avoir un diplôme, mais vraiment d'avoir un pied dans le milieu professionnel pour pouvoir enchaîner plus facilement par la suite. Et, finalement, c’est ce qui s’est passé.

J'ai donc commencé par travailler 4 ans au Studio Poulain (à Lille) dans le secteur de la communication visuelle en tant que graphiste print/web, animateur, illustrateur et réalisateur, deux ans en alternance puis deux ans en CDI. Je garde un souvenir très positif de cette première partie de mon aventure professionnelle car elle a été très formatrice dans un cadre bienveillant. Le secteur du print est très exigeant et apprend la rigueur.

En parallèle de mes premières expériences j’étais aussi freelance, et j’ai eu l’occasion de faire des bibles graphiques de séries comme Invisible I.N.K, pour Samka Productions. Ces expériences en freelance m’ont donné envie d’essayer de franchir le pas et de me réorienter vers ma vocation première. Pour être tout à fait sincère, le milieu de la communication, c’était un choix plutôt raisonné qu’un choix du cœur. À la base j’étais titulaire d’un DMA en Dessin d’Animation mais je suis sorti de l’école l’année de la chute des tours jumelles et pendant deux ans énormément de productions ont été reportées… J’ai donc eu du mal à trouver ma première expérience professionnelle. C’est un retour d’expérience que je n’hésite pas à partager aux apprenants d’Artline ou les juniors que j’ai eu l’occasion de rencontrer ou d’encadrer dans des productions pour motiver. Il faut s’accrocher à ses rêves.

Après 4 ans passés au studio Poulain j'ai été repéré par Anthony Roux, l'un des patrons d'Ankama, qui m'a proposé de les rejoindre au pôle Game en CDI. Au sein d’Ankama j'ai eu un parcours assez riche que j'ai commencé en tant qu'animateur Game sur des jeux comme Dofus, Dofus Arena, Wakfu... En parallèle, Anthony Roux me donnait des petites missions freelances pour le pôle animation. Il s’agissait de petites prestations en décors, en design de personnages, en appoint, parce qu'il y avait vraiment un gros besoin au sein de la structure et que ça n'était pas simple de recruter des talents sur Roubaix, en tout cas à l'époque.

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De fil en aiguille, d'animateur, je suis passé chef animateur puis décorateur, chef décorateur, directeur artistique toujours pour le pôle Game… C'est dans ce contexte-là qu'on m'a proposé d'intégrer plus officiellement le pôle animation que je n'ai plus quitté pendant 7 ans.

Dans le pôle animation, c’était pareil ! J’ai commencé en tant que character designer en faisant aussi du développement visuel. Dans la foulée, en fonction des projets, on m’a progressivement donné des responsabilités en tant que chef décorateur puis directeur artistique sur la série Dofus : au trésor de Kerubim. La première réalisation qu’Ankama m’a proposée, c’était pour la saison 3 de Wakfu, où j’avais le poste de réalisateur et directeur artistique. Cette série est disponible sur Netflix. À l’issue de cette expérience de deux ans, j’ai enchaîné directement sur la co-réalisation de la série Abraca, toujours en tant que directeur artistique. C’est une adaptation un peu déjantée des contes de Grimm et d’Anderson. Il y a des personnages de contes connus du plus grand nombre, mais détournés. Cette série est disponible sur l’application Okoo de France TV.

Après cette expérience, je suis retourné pendant deux ans côté Game pour travailler sur le jeu Waven, où je faisais essentiellement du concept art décor et character design. Aujourd’hui j'ai donc rejoint le groupe Celsius Online où je développe des projets de jeux pour le moment confidentiels. Et je suis mentor chez Artline depuis 1 an !

L’animation, l’illustration : un métier né d’une véritable passion

Il y a deux choses qui me passionnent dans le dessin.

D’abord, c'est l'acte créatif de dessiner, d'imaginer, de concevoir des univers fantasmés et de leur donner vie sur papier ou sur outils numériques. C'est quelque chose que j'ai toujours fait. Depuis la naissance j'ai toujours eu un crayon à la main !

La deuxième chose, c'est la trace, la transmission, que le dessin peut provoquer. Pour ma part, ma vocation est née d'une situation assez spéciale. Je m’en souviens très bien : J'étais très petit, je devais avoir 3 ans et demi. C'était pendant les grandes vacances chez ma grand-mère et elle m'avait laissé lire un livre pour enfants d'avant-guerre que je n'ai jamais retrouvé. Si je me souviens bien, c’était un livre illustré par une femme à l'encre de Chine. Pour moi, c’était vraiment un parchemin, un choc archéologique ! C’était un vieux livre, avec du vieux scotch, des odeurs… Je me souviens que la date sur le livre m’avait choqué et ému car son auteur ne pouvait plus être vivante. Ce livre pour enfants, très inspirant, était la trace d'une époque révolue. J'ai depuis toujours officié avec cette idée de m'amuser, de créer des univers... mais avec le petit fantasme de me dire qu'un jour, un gamin ou une gamine tombera sur un de mes dessins en se disant « c'est ça que je veux faire plus tard ».

Patrice Nzizi Artline

Côté dessin animé, je fais vraiment partie de la génération qui a été choyée en séries pour adultes en rentrant de l'école ! Il y a énormément de séries que j'ai appréciées de la période Club Do, forcément Dragon Ball, Les Chevaliers du Zodiaque, Ken le Survivant, Princesse Sarah, Sherlock… J'ai eu une chance dans mon malheur, entre guillemets. J'ai été éduqué par une mère seule - je n'ai jamais connu mon père - et elle avait des horaires de travail assez chargés. Dans ce contexte j'ai eu la chance d'avoir une nounou très cinéphile et pas trop regardante sur les films qu'on pouvait voir. Ce qui fait que tous les films des années ‘80 et ‘90, un peu ‘dark’ et un peu ‘badass’ je les ai vus au berceau !

De prime abord, je voulais beaucoup plus être auteur de bande dessinée, et c’est par la force des choses que j’ai découvert que l'animation était possible. À l’époque, il n'y avait pas ou peu d'écoles, et même suivre un artiste, trouver des artistes sur la toile n’était vraiment pas simple. Je suis de la génération 56K de débit internet ! On pouvait attendre un quart d'heure pour voir ne serait-ce qu'une seule image parce que ça ramait ! Des fois je me dis que j'ai eu beaucoup de chance de m'orienter vers le dessin car j'avais du mal à croire que c'était un métier respectable car l'institution de mon époque n'était pas dans le prosélytisme.

Créer, c’est avant tout s’inspirer : ses illustrateurs à connaître

Je suis fan de beaucoup d'auteurs - et c'est vrai que j'en fais déjà profiter mes enfants, même mon fils de six ans. Des auteurs qui me viennent tout de suite à l'esprit : déjà, le studio Ghibli, avec Miyazaki. Mes enfants les ont quasiment tous vus ! Je suis aussi un grand fan de Métal Hurlant, de l'édition Les Humanoïdes Associés, de Moebius, de François Boucq et de tout ce qui est autour d'Alexandro Jodorowsky. Je suis assez passionné par son approche un peu cryptique, déjantée de la narration.

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Je suis souvent assez touché par les auteurs avec une petite dimension ésotérique. Côté cinéma, par exemple, je suis un très grand fan de David Lynch, Michel Gondry.

Ce que je trouve intéressant chez David Lynch, et des réalisateurs comme Akira Kurosawa, Takeshi Kitano, Edward yang, Satoshi Kon, c’est qu'il y a une dimension plus symbolique et cryptique dans leur narration. Je recherche ce genre de cinéma, ce genre d'animation car très souvent les structures des films d'autres réalisateurs sont si prévisibles que l'on peut deviner l'intrigue après quelques minutes de visionnage. J'aime beaucoup aussi Watanabe, le réalisateur de Terror in Resonance, Cowboy Bebop, Samurai Champloo…

Si je devais recommander des films : Fight club, Mulholland Drive, Lost Highway, Paprika, Perfect Blue, Kikujiro, Sonatine, Yi yi, PI, Seven Samurai, eXistenZ, Videodrome, Eternal sunshine of the spotless mind, La science des rêves...

Si je devais recommander des séries : Mr Robot, Tales from the Loop, Paranoia Agent, Terror in Resonance, Cowboy Bebop, Samurai Champloo, twin peaks, X-files, twilight zone, Lost, Watchmen...

Être mentor dans une école d’art, une expérience enrichissante

À partir du moment où je me suis retrouvé manager d'équipes, j’ai souvent été confronté à des collègues de travail plus juniors - ou en tout cas plus focalisés sur une tâche précise sans avoir forcément la vision globale. Dans ces contextes j’essaye régulièrement de transmettre mes acquis mais aussi de me nourrir, ce qui me donne l'occasion d'apprendre. Le fait de le vivre au sein de productions m’a donné envie d'essayer de le faire de mon côté en privé et dans d'autres contextes comme Artline. Le point de départ c'était vraiment d’essayer de rester connecté à la jeunesse, à ce qui se fait de nos jours, parce que c’est vraiment donnant-donnant.

J'ai beau avoir des acquis, les technologies changent, les goûts changent, les modes changent et finalement, cette transmission, je la vois quand même comme quelque chose d'assez organique dans les deux sens. La pédagogie est un moyen de s'améliorer. Ça ouvre vers d'autres latitudes, et c’est un peu dans ce genre de dynamique que j'ai eu d'excellentes opportunités dans ma vie professionnelle et personnelle. J'y vois comme un moyen d'échanger très simplement avec d'autres personnes d'une manière saine et positive.

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Ce que je trouve intéressant à Artline, c'est le fait que les intervenants et intervenantes aient un pied dans le secteur. Le mot mentorat, justement, est très approprié : je ne me sens pas comme un professeur mais vraiment comme un mentor. Un mentor, c'est quelqu'un qui transmet des acquis solides et qui soutient, avec une souplesse supplémentaire par rapport à un professeur qui va, lui, peut-être être cantonné à un programme. Au sein d’Artline, ma stratégie c'est d'adapter ma pédagogie au cas par cas ! Il y a des fondamentaux que je vais forcément présenter et évoquer aux apprenants et apprenantes, mais en fonction des capacités, des besoins, des projets, j'essaie vraiment de m’adapter.

Pour moi, la pédagogie d’Artline est à l'écoute de la diversité des profils. C'est ce que je trouve intéressant et qui m’a tout de suite plu. Le côté pluridisciplinaire et varié des profils étudiants. Ce qui devient intéressant, c'est que dans certains cas on a des gens déjà professionnalisés, qui ont déjà une première expérience, et des gens beaucoup plus jeunes. Je pense que c'est quelque chose qui ne peut que tirer les gens vers le haut - en tout cas, les responsabiliser et les professionnaliser plus vite. Le fait d'avoir des intervenants dans le secteur ça permet aussi, quand on s'illustre, d’être repéré plus facilement !

Ça rejoint ce que je disais au tout début de notre échange. Pour ma part, ça a été assez compliqué : j'ai quand même mis deux ans à me positionner dans le secteur que je voulais, alors que, paradoxalement, j'étais quasiment major de promo, toujours dans les trois premiers de ma classe ! J’ai mis énormément d'énergie à essayer de me faire recruter et, bizarrement, ça a été très complexe - et c'est dès que je me suis rapproché de professionnels que tout s'est accéléré. Je pense que ce n'est pas négligeable dans le démarrage d'une carrière d'être déjà connecté à des professionnels.

Comment devenir illustrateur ? 5 conseils d’expert

Tout passe par une seule chose : le travail. Dans ma carrière et en tant qu'étudiant, j'ai été amené à de très rares occasions à rencontrer ce que j'appelle des ‘petits génies’, des virtuoses du dessin, des gens qui ont vraiment un truc en plus et des facilités assez déconcertantes. Mais 99,9% des gens Rien n'est impossible à mon sens, si tu travailles et que ça passe par la pratique du dessin en te cultivant, forcément. En règle générale, quand on débute dans le dessin, on recopie d'autres styles, ça peut aiguiser un peu l'œil, ça peut créer des petits automatismes, ça peut aider. Mais à mon sens, ce qui ce qui prime avant tout, c'est le dessin d'observation : observer la réalité et la reproduire et après, éventuellement la styliser.

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Faire des études de cas, aussi. C’est-à-dire vraiment comprendre ce qui nous entoure : pourquoi une poignée de porte est toujours à la même hauteur ? Pourquoi un stick de colle a une partie crantée qui facilite l'ergonomie au niveau de la main ? Pourquoi certains objets qu'on utilise ont telle forme et certaines matières aussi ? Observer la réalité, la reproduire et la comprendre, c'est ce qui fait évoluer. Moi, je sais que quand j’ai passé des caps où j'ai pris du niveau en dessin je me suis rendu compte que c'était rarement grâce à la pratique ! Attention, il faut pratiquer, et j'ai pratiqué, mais ce qui faisait souvent la différence c’était la compréhension. Un moment un peu « eurêka » où tu comprends pourquoi les poignées de porte et les fenêtres sont à telle hauteur et pas une autre.

Ce qui est important aussi, c’est la culture générale, la curiosité de tout. Alors, l'idée n'est pas de devenir un érudit et tout retenir, mais je pense que rester dans un processus de curiosité est important, même si on perd au fur et à mesure certains acquis ! Je suis le premier à ne pas forcément retenir tout ce que j'ai lu, tout ce que j'ai observé, mais de rester dans ce processus de curiosité c'est un élément primordial de la prise de niveau et de l'épanouissement artistique.

Ensuite, l'humilité. Le mot artiste, personnellement, je ne l'aime pas trop. Je me considère comme un artisan et j'avoue que j'ai du mal avec l'ego dans le secteur du dessin qui, pour moi, ne sert pas à grand-chose d'autres qu'être toxique. La compétition, oui, pourquoi pas ! Mais je dirais la compétition contre soi-même, c’est-à-dire essayer d'être la meilleure version de soi-même, de jour en jour. Pas forcément être meilleur que les autres - c'est complètement impossible, il y aura toujours un petit jeune de 12 ans qui va sortir de nulle part et défoncer le game !

Et il y a un dernier truc : ne pas être son propre ennemi. Pour l'avoir vécu, la remise en question peut servir, mais il ne faut pas qu'elle démolisse. Moi, je sais que j'ai peut-être perdu deux ans parce que je manquais d'assurance, et que je n'arrivais peut-être pas à prendre conscience que je méritais quand même de d'officier dans le secteur, quel que soit mon niveau. Pour moi, le talent émerge du travail et le travail peut venir de n'importe où. Donc, tout le monde a sa place, même sur le tard, si tant est que derrière, il y a du boulot.

Vous pouvez retrouver le travail de Fabrice en le suivant sur son compte Instagram !


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