Miriam est une illustratrice-animatrice (et réalisatrice) lyonnaise de 26 ans, qui a décidé de faire de sa passion pour l’art son métier – à sa façon. Elle nous parle de son parcours et de son approche du métier en tant que freelance, ainsi que de son choix de conserver d’autres activités en parallèle de celui d’illustratrice. Nous avons également échangé sur la complexité d’être artiste dans une ère où les réseaux sociaux nous mettent en compétition constante avec les autres, avec les algorithmes mais aussi avec nous-mêmes. Une rencontre enrichissante qui nous montre que non seulement chaque parcours est différent, mais également l’importance de se souvenir que le succès est une définition personnelle, à l’image des valeurs de chacun.e.
Comment devenir illustrateur ou illustratrice ?
Comme beaucoup, Miriam a découvert sa passion pour le dessin dès son plus jeune âge. « Mon cousin finlandais est un dessinateur incroyable, et il nous gardait petites avec ma sœur. Un jour je lui ai demandé qu’il me dessine une Bratz, il l’a fait, et j’ai trouvé ça tellement génial. Ensuite, je passais mon temps à dessiner. Ça a commencé par une obsession pour les dauphins en maternelle. » L’amour de l’animation lui est également venu très tôt. « Un jour, je devais avoir 10 ans, j’ai vu des mangas à la télévision. Ça bougeait, et j’étais très choquée de ce que je voyais ! Je me suis dit ‘on peut faire ça ? Ça existe ?’ Pour moi, ça a été un choc esthétique qui m’a vraiment retourné le cerveau. Je me suis dit : ‘je veux faire ça dans ma vie ! Je veux faire des mangas, je veux faire des dessins animés quoi qu’il arrive’. »
© Miriam Jacquiot
Puis arrive la majorité et le moment de choisir son orientation. « C’était soit le commerce -étrange-, soit l’art. Je ne voyais peut-être pas ça encore très sérieusement à 18 ans, même si le dessin c’était important pour moi. Mais ma plus grande chance a été que mon entourage m’a soutenu dans cette voie. » Son parcours a donc débuté dans une école d’art à Lyon. « J’y ai passé 5 ans : 3 ans de pur dessin académique, en touchant quand même à de la sculpture, du graphisme, de l’animation, etc… Mais ça restait quand même très axé sur le dessin. » Pour ses deux dernières années d’études, c’est une évidence pour Miriam de se spécialiser dans l’animation. « J’avais envie de faire bouger des trucs, c’est quand même plus drôle ! Et j’ai bien fait – c’était super intéressant, j’ai pu découvrir plein de techniques et vraiment me développer artistiquement. »
D’après elle, le fait de faire une école d’art l’a aidé à trouver de la maturité dans sa pratique, acquérir de la technique et être dans une émulation créative. « Je trouvais les gens de l’école vraiment très talentueux. Aussi, certains profs m’ont donné un autre regard sur ce que je pouvais faire, les différentes possibilités. Tout n’était pas rose là-bas, mais en majorité les gens étaient très investis dans leur pratique. J’ai navigué pendant ces études entre ce qu’il y avait à prendre, et à laisser. Me concernant, il devenait de plus en plus clair que c’était vraiment ça que je voulais faire dans ma vie. »
Pour obtenir son diplôme, Miriam part à la recherche d’un stage. Elle s’envole donc pour Berlin et commence à travailler pour un studio d’animation. « Je faisais des films, des décors, de l’animation, du design… Un peu de tout ! » 6 mois plus tard, elle se voit proposer par hasard un poste dans un studio parisien qui avait repéré son travail. Elle trouve que le poste manque de créativité, et prend la décision de rester à Berlin. « Ça m’a tellement fait peur que j’ai dit non, je ne sais pas ce qui s’est passé ! » rit-elle.
Il y a de multiples façons de faire de l’illustration son métier
Miriam décide donc de se lancer dans l’aventure freelance et continue de travailler avec le studio où elle a effectué son stage. « Petit à petit, je me suis trouvé d’autres clients – des clients allemands mais aussi français ! Je pouvais en vivre et continuer à travailler sur des projets personnels. »
« Au fond je voulais conserver une certaine liberté pour continuer ce que j’avais à faire et ne pas m’enfermer dans quelque chose – même s’il y avait de l’argent à gagner. Il y avait quelque chose en moi qui me disait que ce n’était pas ça que je voulais. »
© Miriam Jacquiot
Aujourd’hui, elle continue à organiser son travail autour d’une grande diversité de projets. « Je fais plein de choses différentes ! Parfois, je vais à Paris pour travailler sur des productions de films, par exemple. En Allemagne, je travaille beaucoup avec des institutions publiques, des ONG… Mais ça varie beaucoup, je peux aussi être amenée à dessiner 30 chats pour une marque de croquettes par exemple ! »
Du fait de sa localisation, elle a dévié de ce qui peut être considéré comme le ‘parcours type’ d’une animatrice-illustratrice. « À Berlin c’est un peu différent, il n’y a pas vraiment de culture par rapport à l’animation. Je ne suis pas rentrée dans un circuit de faire des productions, être sur des séries animées pour enfants, etc… J’ai pris un peu un autre chemin. Parce qu’encore une fois, j’avais besoin d’avoir cet espace pour avancer sur mes projets personnels. »
Cette quête de liberté, cette volonté de créer son parcours à l’image de ce qu’elle veut réellement a un prix – celui de devoir conserver des ‘petits boulots’ en parallèle de son activité artistique. Mais cela n’est pas pour lui déplaire, au contraire ! « J’ai une vision un peu différente de la chose », confie-t-elle. « Ça fait du bien de sortir de sa petite bulle d’artiste, devant son ordinateur et de se confronter un peu au monde extérieur aussi ! Et, surtout à Berlin, ça offre l’opportunité de rencontrer tellement de gens qui viennent de tous horizons ! C’est hyper inspirant, et hyper stimulant. Je pense que c’est aussi quelque chose qui me sert dans mon travail, après - tout est très connecté. »
Miriam précise qu’elle ne se considère pas comme une illustratrice à plein temps. « Si on cumule mon activité freelance, mes projets personnels et mes jobs à côté, je suis toujours en train de faire quelque chose ! Mais c’est important, c’est mon équilibre à moi et je suis très heureuse comme ça. »
© Miriam Jacquiot
Alors, à quoi ressemble une semaine type pour Miriam ? « Là, par exemple, j’ai 3 projets en cours. Je dois faire du texte pour une BD, je dois faire du design pour le studio, et je dois faire des illustrations pour un client allemand. Souvent, je me lève à 8h. De 8h à 13h, j’ai le temps de terminer un ou deux projets – même si souvent, ça s’étale dans la semaine comme il y a les retours clients à prendre en compte. Ensuite, je consacre l’après-midi à mes projets perso : avancer sur mon portfolio, refaire mon site… En ce moment, j’avance sur un projet de BD qui me prend beaucoup de temps ! Et puis le soir, souvent, je fais des livraisons de vélo, et le mardi matin je vais à la crèche pour passer du temps avec les enfants. Et puis je repars, je fais mes designs, j’écris… Parfois je vais au bureau, mais la plupart du temps je préfère rester chez moi. Le soir, je fais aussi du sport, c’est très important pour laisser ses idées gambader ! »
Les désavantages d’être artiste freelance
Miriam hésite quelques instants avant de mettre les mots sur ce qu’elle trouve difficile dans son métier. « J'ai le sentiment qu'il faut être très productif, quand même, pour se faire une place. C’est pour ça que c’est souvent des gens passionnés, qui n’ont pas peur de produire autant ! Mais quand on va dans cette voie-là, il ne faut pas chômer. » Elle rit avant d’ajouter : « Mais bon, peut-être que ça ne dérange que moi ! Les gens ont l’air heureux de produire, sur Instagram. » Elle aborde ensuite le sujet de ce réseau social devenu un outil presque incontournable pour les illustrateurs et autres artistes qui se lancent en freelance.
© Miriam Jacquiot
« Selon la personnalité de chacun, ça peut provoquer de l’anxiété, ou beaucoup de comparaisons » dit-elle. « Que ce soit à cause des réseaux sociaux, de la précarité du milieu, de la compétition ou du perfectionnisme… Je sais qu’il y a des personnes qui font le choix d’arrêter complètement de dessiner parce que ça devient trop angoissant et compliqué à gérer. » Miriam touche du doigt la complexité de baser la valeur de son travail créatif sur un algorithme ou un nombre de likes, au risque de perdre de vue la passion qui nous animait à l’origine. « On ne peut pas vraiment y échapper. On ne peut que se rabattre sur le fait qu’on fait ça parce que ça nous passionne, que ça nous rend heureux, que ça nous met des paillettes dans les yeux ! »
Ses conseils pour retrouver la motivation et l’envie de créer :
Admirer le travail des autres sans se comparer : « Pour moi, c’est comme si j’étais percussionniste et je voyais un guitariste faire un solo incroyable. Je ne me dirais pas ‘oh mais je suis nulle’- parce que je suis percussionniste, pas guitariste ! Je fais mes percussions dans mon coin, et puis voilà. On ne va pas m’inviter dans des concerts philharmoniques – et puis peut être que si ! On ne sait jamais ». Elle conseille de se raccrocher à sa singularité, de prendre du plaisir à développer son art dans sa bulle personnelle sans se sentir dévalorisé ni même concerné par les accomplissements d’autrui.
© Miriam Jacquiot
Son deuxième conseil : trouver ce qui vous donne l’impulsion de créer. « Moi, c’est quand je parle avec des gens. J’ai tout de suite envie de les dessiner ! » De nouveau, cette idée de (re)trouver de la joie dans la pratique de son art, de créer pour se faire du bien, finalement, au lieu de créer pour trouver l’approbation des autres.
Vous pouvez retrouver le travail de Miriam sur son compte Instagram !
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